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8 juin 2011

Tangi Salaün : Avant le 25 janvier, je me demandais par quel miracle les Egyptiens n’avaient pas encore explosé

Tangi Salaün est un journaliste français. Il est le correspondant des revues Le Figaro et l'Express et la radio française RTL

Comment voyez-vous la Révolution Egyptienne? Quelles sont vos remarques?

D’abord c’est une révolution que je ne pensais plus voir arriver, après avoir couvert des dizaines de manifestations qui ne rassemblaient jamais plus de quelques centaines de personnes…. Cela faisait pourtant des années que je constatais dans mes reportages la dégradation des conditions de vie pour une majorité de la population (hausse des prix, chômage des jeunes, dégradation du système de santé, de l’éducation, multiplication des quartiers informels (ashwayets) victimes de coupures d’eau et d’électricité, accidents à répétition dans les transports, pollution, etc…), la montée des frustrations face à un système politique verrouillé, la colère face aux abus policiers, à la corruption, aux inégalités.. Bref, je me demandais par quel " miracle" les Egyptiens n’avaient pas encore explosé… Lorsque le 25 janvier est arrivé, j’ai pourtant été surpris par la détermination des manifestants, malgré la violence de la répression, puis par leur capacité à rester mobilisés sur Tahrir et ailleurs, à conserver leur sens de l’humour même dans les moments les plus dramatiques, à se libérer de la peur en disant tout haut ce qu’ils pensaient depuis des années sans oser l’exprimer, à poursuivre un but commun sans différence de religion, de sexe, d’âge, de classe sociale... J’ai enfin été impressionné par cette fierté retrouvée à la fin de la révolution, ce sentiment de libération que l’on pouvait ressentir partout.9782021039382

Quelles sont les moments les plus importants qui vous ont inspires sur la place Tahrir ?

L’arrivée des chars et les premières scènes de "fraternisation" le 29, qui ont montré que l’intervention de l’armée n’était pas la fin mais le début de quelque chose, les conférences que donnaient des personnalités comme Alaa el-Aswany la nuit pour soutenir les manifestants qui dormaient sur place, la violence de la "bataille des chameaux ", la première millioneya où l’on a vu arriver plein de gens qui venaient pour la première fois sur la place et compris que la majorité de l’opinion publique avait basculé du côté de la révolution, les scènes d’espoir, de déception puis de joie entre le dernier discours de Moubarak le 10 février et le lendemain de son départ le 12 février.

Vous vivez en Egypte depuis plus de 10 ans...quelle est la différence entre l'Egypte d'avant le 25 janvier et l'Egypte d'après la Révolution?

Elle est surtout, pour le moment, dans le discours et l’attitude des gens, qui n’ont plus peur de dire ce qu’ils pensent, de revendiquer leurs droits. Mais pour le reste il va falloir du temps et il est difficile de tirer des conclusions tant que le pays ne s’est pas doté de ses nouvelles institutions (parlement, gouvernement, président, constitution).

Comment voyez-vous la vie culturelle en Egypte après la Révolution?

Il me semble qu’à court terme c’est elle qui peut le plus bénéficier de la libération des esprits et de la créativité. On le voit déjà avec la musique, les graffitis sur les murs, le cinéma, les radios libres, les expositions autour de la révolution... Dans ce domaine aussi, la révolution donne aux jeunes qui en étaient écartés (ou marginalisés) l’opportunité de se faire une place sur le devant de la scène.

Vous venez de publier "L’Egypte de Tahrir ". D'ou vient l'idée de votre œuvre? Depuis quand vous travaillez sur ce livre?

Le projet de faire un livre de journalistes (c'est-à-dire destiné à un grand public) est ancien, car il n’en existait pratiquement pas en français sur l’Egypte contemporaine. Il s’est précisé lorsque Hosni Moubarak a été hospitalisé en Allemagne en mars 2010 et qu’il a semblé probable qu’il ne resterait plus très longtemps au pouvoir. L’idée, c’était de faire une "radiographie " de la société égyptienne pour expliquer aux Français quelle Egypte Moubarak allait laisser à son successeur, quels sont ses problèmes, ses atouts, ses grands défis, etc. Tout cela à travers des reportages, des rencontres, des témoignages des Egyptiens eux-mêmes… On avait commencé à rédiger le livre à l’automne 2010. Evidemment, la révolution a tout bousculé.

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4 juin 2011

Marion Touboul : La vie culturelle en Egypte est devenue plus libre après la Révolution

MT

Marion Touboul (www.unjourici.canalblog.com) est une journaliste française. Elle est  la correspondante de plusieurs medias français comme Arte, Europe 1,  La Vie et Marianne, outre la Radio allemande Deutsche Welle et Radio Vatican.

 

Vous vivez en Egypte depuis plus de trois ans...Quelle est la différence entre l'Egypte avant le 25 janvier et l'Egypte d'après la Révolution?

La principale différence est quand je travaille. Avant, la plupart des gens avaient peur de parler, notamment devant une caméra. ils avaient peur des réactions dans leur quartier, ils faisaient très attention à leurs propos. Maintenant, ils n'ont plus peur, ils ne censurent rien. C'est très appréciable. Après, je trouve que l'état d'esprit des gens juste après la révolution et maintenant, a changé. Ils étaient très optimistes, très souriants, j'entends maintenant des égyptiens, en particulier les chauffeurs de taxi, qui disent que la révolution a échoué en raison des difficultés économiques. Donc l'Egypte change en permanence en ce moment, chaque semaine, elle est différente.

D'après vous, quel est le rôle de la culture dans le règlement des problèmes de l'Egypte?

La culture joue un rôle important du fait qu'elle contribue à ouvrir les esprits des gens. On voit maintenant des pièces de théâtres, des chansons et même un film sur la révolution. Les Egyptiens prennent ainsi conscience de ce qu'ils ont réalisé et cela les rend fiers. J'espère que la culture restera libre, sans censure, comme elle semble l'être en ce moment. Des films comme "l'Immeuble Yacoubian" avaient déjà contribué à éveiller les consciences avant la révolution.

Comment voyez-vous la vie, surtout culturelle, en Egypte après la Révolution?XXI

La vie culturelle maintenant n'a rien à voir avec avant selon moi. Elle est maintenant beaucoup plus libre, la culture aborde la politique, le quotidien des Egyptiens... Elle est engagée. Notamment dans la musique, ce n'est plus seulement maintenant des chansons d'amour, on écoute aussi maintenant davantage de chansons politiques. J'apprécie aussi l'exposition dans la station de métro Sadate, je n'aurais imaginé que cela aurait été possible. Le fait aussi que des jeunes décorent les murs par des graffitis est une belle chose même si elle doit être contrôlée. C'est sain de voir le peuple se "réapproprier" sa ville, son quartier. Avant, j'avais l'impression que les Egyptiens passaient leur colère sur leur rue, en y prenant pas soin, en les négligeant.

Vous avez écrit "Le roi des contrebandiers" pour la revue "XXI". Pourquoi un article sous forme d'un roman sur les bédouins et les contrebandiers?

Ce n'est pas un roman, c'est bel et bien une histoire vraie, il n'y a pas de fiction. La grande différence avec un article, c'est que la revue permet d'avoir la place pour véritablement aller au fond de l'histoire et qu'elle accorde beaucoup d'importances au détail, à la description, ce qui me semblait important de faire dans l'histoire de ce cheikh.

Qu'est-ce que vous a inspiré dans le personnage?

Son parcours de vie. Il était instituteur et est devenu contrebandier. Il n'aurait pas demandé mieux de rester instituteur mais l'ancien régime ne lui donnait pas un salaire suffisant. En cela, ce Cheikh me semble plutôt une "victime" du système. Il n'a rien du méchant bandit qu'on s'imagine quand on parle de contrebandier. Son humour, son intelligence m'ont aussi donné l'envie de passer du temps avec lui. Il a aussi beaucoup de courage. Quand l'un de ses amis, recherché par la police, a été blessé dans un accident de la route, il l'a envoyé dans un hôpital à Gaza via des tunnels de la contrebande pour ne pas que les policiers l'arrêtent en Egypte. J'ai trouvé ça très courageux et très astucieux.

5 mai 2011

La France aura la priorité dans les contrats de développements en Libye

Iman Bugaighis : ex-porte-parole du Conseil National de Transition. Elle a démissionné parce qu'elle voulu retourner à sa vie académique, mais elle soutient toujours le CNT. Elle donne sa vision de l'avenir des relations franco-libyennes.

ImanBugaighisLa France a été  la première à nous soutenir depuis le premier jour de notre révolution et pour la remercier je pense qu'elle aura la priorité dans les contrats de développement économique en Libye.
 
La société libyenne penche maintenant vers la France, les relations culturelles franco-libyennes seront donc renforcées. Les libyens sont curieux de découvrir la culture du pays qui les soutient depuis le début.
 
Les libyens demandent à la France de poursuivre son soutien pour qu'ils puissent construire leur pays démocratiquement, dans le respect des droits de l'homme, et pour que la  Libye devienne une partie intégrante de la communauté internationale libérale. Ils souhaitent aussi que Paris les aide à raccourcir la période transitoire actuelle.
 
Les révolutionnaires demandent à la France d'augmenter ses investissements en Libye et d'avoir une vision pour tous les secteurs. Il faut qu’elle nous aide à rétablir notre infrastructure, à construire une societe non consommatrice et à développer notre système éducatif.
 
Pour le tourisme la France a également un grand rôle à jouer. Nous avons des sites romains et un désert ouvert au tourisme, mais Qadhafi a détruit ce secteur.
 
Emigration clandestine Le peuple libyen est contre l’émigration clandestine. C'était pour Qadhafi un moyen de pression sur l’Europe. Nous allons contribuer avec la France à la lutte contre ce trafic. De plus, l'Europe doit savoir que les Libyens ne quitteront jamais  leur pays du moment qu'on leur permet d'y vivre avec dignité.
 
Concernant le pétrole, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose que Sarkozy nous aide à assurer l'acheminement du pétrole libyen vers son pays. C'est un président et il doit chercher les intérêts de son peuple. Les relations internationales sont basées sur les intérêts communs. Si Sarkozy est mal vu en France, c'est une affaire intérieure qui concerne seulement les Français.

Article écrit pour le numéro 48 de la revue Le Courrier de l'Atlas (Mai 2011)

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2011/NUM048/#/16/

5 février 2011

Les tunnels perdurent car rien n’est fait en termes de développement

3 questions à Ahmed Bahnassy, chercheur au Centre d’études de la Middle East News Agency (MENA)

RafahEst-ce que le commerce des tunnels durera longtemps ?

L’attaque israélienne contre la Flotilla, le 31 mai dernier, avait des retombées directes sur le commerce des tunnels. Israël s’est trouvé obligée d’alléger son blocus imposé à la Bande de Gaza, notamment la rentrée des produits alimentaires et de constructions. C’est à dire les produits qui passent le plus par les tunnels. C'est-à-dire que quand Israël durcit le blocus, les tunnels sont très actifs et vice-versa.

Les Israéliens accusent l’Egypte de ne rien faire a l’égard des …Est-ce que c’est vrai que les services de renseignements égyptiens dirigent des tunnels ?

Dire que le gouvernement égyptien sait tout sur les tunnels et ne fait rien, cela n'est que des allégations israéliennes. Pourquoi alors l'Egypte construit le mur sur les frontières? Il y a un mois, la télévision israélienne a diffusé un documentaire sur les tunnels de Gaza avec une liste des noms des Palestiniens responsables de ces tunnels, pourquoi alors ils n’ont pas agit? Ils ont mené la dernière guerre contre la Bande de Gaza fin 2009 sous prétexte d’éradiquer les tunnels. Mais bizarrement, les Israéliens ne sont pas rentrés dans la soit-disant zone des tunnels.

En ce qui concerne les services de renseignements égyptiens, je ne pense pas qu'ils dirigent des tunnels, peut-être qu'ils tournent le dos pour certains tunnels pour alléger la situation dans la Bande de Gaza. C'est à dire, ils laissent passer les besoins alimentaires nécessaires pour les Gazaouis afin de maintenir la sécurité de l'Egypte. Je vous rappelle de ce qui s'est passé en janvier 2008 quand les Palestiniens de Gaza ont franchi les frontières égyptiennes pour avoir accès à leurs besoins.

Beaucoup des bedouins se plaignent de la violence avec laquelle les forces de l'ordre égyptiennes les traitent?

Je ne veux pas qualifier de violence ce qui se passe entre les forces de l'ordre égyptiennes et les Bédouins en Sinai. Ces derniers vivent sur le territoire égyptien contrôlé par le gouvernement égyptien et ou sont appliquées les lois égyptiennes. Le gouvernement prend les mesures nécessaires pour réaliser ses intérêts sécuritaires. Les Bédouins sont également impliqués dans le trafic des drogues et des armes. Mais, je dois avoue qu'il y a des abus de la part des forces de l'ordre dus au regard au bedouin en tant que traitre et l'absence du developpement humain au Sinai. Ces abus sont très dangereux pour la sécurité nationale de l'Egypte. Le Sinai est une zone exemptée des armes et les Bedouins ont leur armes, alors ils peuvent être la première ligne de défense de l'Egypte en cas d'une attaque israélienne comme ils peuvent être la première source de danger selon la manière qu'on les traite.

Article écrit pour le numéro 45 de la revue Le Courrier de l'Atlas (Fevrier 2011)

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2011/NUM045/#/73/

 

 

 

6 janvier 2011

Le Cheikh d'al-Azhar : Nous sommes tous coptes, certains sont chrétiens d'autres sont musulmans

CHEICK_AL_AZHARAu moment où l’Islam est la cible de critiques sévères et plusieurs pays du monde islamique représentent, pour l’occident, le foyer des groupes terroristes, al-Azhar, qui représente la référence de l’Islam sunnite et qui accueille chaque année 16000 étudiants étrangers pour leur enseigner l’islam modéré, est accusé de jouer un rôle faible pour montrer la vraie image de l’islam.

Le cheikh d’al-Azhar, Le Grand Imam Ahmed el-Tayeb répond aux critiques. 

Quel est le rôle d’al-Azhar ?

Al-Azhar a pour rôle la défense d’un islam modéré. C’est un rôle très important car sans cette modération, il y aurait de graves tensions entre les musulmans eux-mêmes ou entre eux et les autres. La présence d’al-Azhar garantit la pluralité des visions dans l’islam et l’échange d’opinions entre les musulmans et les autres civilisations dans un objectif commun qui est la paix.

Vous avez étudié en France et vous étiez professeur en Suisse? Cette expérience vous a aidé?

Elle m’a beaucoup aidé. J’ai pu échanger mes pensées avec les autres, m'ouvrir sur d'autres univers. Cela est essentiel pour faire avancer le dialogue entre l’Orient et l’Occident. Il faut reconnaitre qu’il y a une vraie crise entre l’Occident et le monde islamique et elle ne pourra être résolue qu’à travers le dialogue dans le cadre du respect mutuel. Il ne faut pas qu’une partie se considère comme la civilisation modèle. Car ce ne sera pas un dialogue mais plutôt un dictat et une marque d'arrogance. Or avec l’arrogance, on n'arrive pas à un dialogue mais plutôt à une occupation. A chaque fois que j’assiste à une conférence, je constate que l’occident nous comprend mieux et vice-versa. Il faut parler pour dépasser nos préjugés.

Vous êtes chef d’une confrérie soufiste, est-ce que cela vous donne une particularité à al-Azhar? Votre nomination signifie-t-elle un tournant pour l'institution?

Je ne suis pas chef d’une confrérie. Mon grand-père et mon père l’étaient. Je suis juste un disciple. Je suis né dans une famille soufiste ce qui m’a donné une force intérieure : je ne cherche pas à occuper un poste ou gagner de l’argent…Si le cheikh d’al-Azhar est de ce genre, il peut renforcer le rôle d’al-Azhar. La majorité de mes prédécesseurs appartenait au courant soufiste. Ils avaient un message spirituel côte-à-côte à leur rôle plus "scientifique" de cheikh d’al-Azhar.

Vous étiez le mufti de l'Egypte, pourquoi il y a une séparation entre les deux postes?

Le Mufti appartient au ministère de la Justice. Son rôle est de répondre aux questions des musulmans concernant leur religion. Mais al-Azhar est une institution d’enseignement…donc le rôle d’al-Azhar est plus large.

Vous étiez membre du PND, Parti National Démocratique, actuellement au pouvoir, et tout le monde l'a critiqué après votre nomination, ce que vous a poussé à démissionner du parti. On accuse désormais Al-Azhar d'être politisé, cette accusation est-elle vraie?

Je ne suis pas membre du PND. J’ai juste été nommé membre du bureau politique du parti. Les membres de ce bureau sont nommés par le Président Moubarak. Cette nomination est due au poste que j’occupais à cette époque : recteur de l’université d’al-Azhar (Le président choisis un des recteurs des universités égyptiennes). Quand j’étais nommé cheikh d’al-Azhar, le président était en Allemagne pour des soins médicaux. Et moi, j’ai pris la fuite des medias en rentrant dans ma famille à Louxor. Ce n’était pas convenable que je démissionne du PND lorsque le président est à l’étranger. J’ai donc voulu attendre son retour. Quand il est revenu, il a pris l’initiative de me libérer de mes fonctions au PND pour qu'al-Azhar ne soit accusé d'être politisé.
Il n'y a donc aucune raison pour que notre institution ait un rôle politique. Ce n'est parce que nous touchons un salaire du gouvernement que nous devons en faire sa propagande. C’est vrai que notre budget vient de l’Egypte, mais nous prenons en charge les coûts des études de 16 000 étudiants venant de 102 pays. Et ces étudiants ne font pas la propagande du PND ou de l’Egypte. Ce budget n’a pour but que le renforcement de l’Islam modéré. Al-azhar n’est ni un parti ni un mouvement de l’opposition. C’est une institution d’enseignement et n’a pas de conflits avec l’Etat.

Historiquement, al-Azhar enseignait la jurisprudence sunnite et chiite. Est-ce toujours le cas maintenant ? Ou bien, est-ce cela a changé pour des raisons politiques?

Al-Azhar enseigne la jurisprudence chiite en tant que jurisprudence comparée comme toutes les autres écoles sunnites de jurisprudence. Les chiites sont Musulmans comme nous. Nous luttons simplement contre l’exportation du chiisme dans les pays sunnites et vice-versa. Je lutte aussi contre l’exportation des idées salafistes. Cette exportation est une affaire politique qui ne mènera qu’au conflit, à la guerre sectaire.

Majoritairement, les Ulémas d'al-Azhar sont faibles en langues étrangères...Vous ne pensez pas que cela représente un défaut dans le rôle d'al-Azhar? Et comment vous allez corriger ce défaut?

Il est vrai qu'il y a quelques années, la maîtrise des langues n'était pas une priorité à Al Azhar. Quand on envoyait un uléma à l'étranger, en Asie, par exemple, on comptait surtout sur la bonne maîtrise de l'arabe par les musulmans dans ces pays-là. Mais on s'est rendu compte qu'il était important que les ulémas connaissent très bien la langue du pays où ils partent. C'est pour cela qu'aujourd'hui, les candidats au départ sont fortement sélectionnés par des examens de langues. On a crée aussi des collaborations avec des centres culturels comme le British Council, pour aider les étudiants dans l'apprentissage des langues. En France, la question ne se pose pas, puisque Paris n’accueille plus nos prêcheurs.

Que pensez-vous de l'appel du Dr Soad Salah d'accorder à la femme le droit de donner des fatwas ?

Il n’y a aucun problème pour que la femme donne des fatwas. L’Islam ne l’interdit pas. Mais la question que je pose c'est est-ce que les musulmanes ont récupéré tous leurs droits essentiels qui précédent celui de donner des fatwas? Il faut d’abord que la musulmane ait ses droits pour qu’elle pense aux fatwas. Il y a beaucoup de droits accordés par l’islam à la femme dont elle est encore malheureusement privée.

Les télécoranistes sont très a la mode dans le monde. Sont-ils qualifiés pour parler religion, pour donner des fatwa ?

C’est un point négatif de l’avancée technologique. Cela ne concerne pas la religion seulement mais touche tous les domaines de la vie quotidienne. C'est pour cela que ces chaines satellitaires sont dangereuses. Elles ont donné aux non-qualifiés la chance de parler. Pour lutter contre cette anarchie, en ce qui concerne la religion, nous pensons diffuser une émission sur une des chaines gouvernementales pour corriger les idées lancées par les prêcheurs non-qualifiés.

Que pensez-vous des Frères musulmans en tant que mouvement religieux ?

Toute organisation religieuse a le droit de s’exprimer. Mais nous sommes contre l’utilisation de la religion pour des fins politiques. On n'a pas à impliquer l'islam dans les jeux politiques. Il y a deux types de valeurs, celles, fondamentales de l'islam, et celles, beaucoup plus douteuses de la politique. Je n'aime pas ce mélange de genre.

La minorité copte (10% de la population égyptienne) se plaint d’être discriminée. Comment voyez-vous les relations entre musulmans et coptes ?

Je ne vois pas de problèmes entre Coptes et Musulmans en Egypte. Je vois des plans étrangers dont le but est de déstabiliser le pays. Depuis 14 siècles, il n’y avait aucune guerre entre les deux communautés. Même entre chrétiens et musulmans dans tout l’Orient en raison de la religion. C’est parce que l’islam est une religion ouverte sur l’autre et que le christianisme en Orient l'est aussi. Ces problèmes ont apparu quand l’occident s’est ingéré pour réaliser certains intérêts ou redessiner la carte de la région. Ce qui ce passe c’est de la politique. Les problèmes entre les habitants dans le sud de l'Egypte n’ont rien avoir avec la religion. Il s'agit, à la base, de crime d’honneur ou de conflits familiaux. Il se trouve que l'on retient ceux qui opposent les chrétiens à musulmans. Mais les mêmes problèmes se déroulent également chaque jour au sein de chaque communauté.

Mais le numéro 2 de l’église copte, l'évêque Bishoï vient de dire que "les musulmans sont des hôtes en Egypte".

Le pape des coptes, Shenouda III, s'en est excusé, et je le crois sincère. On peut avoir confiance en lui, c'est le premier à dire que l'unité du peuple égyptien est une valeur intouchable. D'ailleurs, on est tous les deux d'accord à 90% sur les sujets qui concernent notre pays. Copte signifie "Egyptien". A l'époque, tout le monde était copte. Le mot n'a donc rien de religieux à l'origine. Nous sommes tous coptes, certains sont chrétiens d'autres sont musulmans.

Que pensez-vous de la laïcité ?

Nous n’avons rien contre la laïcité. Ceci dit, elle est parfois en France poussée à l'extrême. Ce n'est pas bon de rejeter, de gommer, absolument tout ce qui est religieux. On obtient en fin de compte un peuple qui ignore les religions. Comme je combats les extrémistes musulmans, juifs et chrétiens, je combats aussi les extrémistes de la laïcité.

Suite a la visite de Nicolas Sarkozy, quand il était ministre de l'Intérieur, a l'ex-cheikh d'al-Azhar, le Grand Imam Mohammed Sayed Tantawi, la France a interdit le voile dans les lieux publiques...al-Azhar est donc accusé de donner le feu vert au gouvernement français d'adopter des lois touchant négativement les Musulmans de France…

Ce n’est pas du tout vrai. Au contraire, feu cheikh Tantawi a demandé à Nicolas Sarkozy de faciliter l’intégration des Musulmans en France en les laissant pratiquer librement leur religion, de façon modérée. En ce qui concerne le voile, nous demandons au gouvernement français de le tolérer parce qu’il est obligatoire dans l’islam. Et en même temps, les musulmans ne doivent pas provoquer les autorités, par le port du niqab, par exemple… Je ne vois pas pourquoi cette intégration pose un problème car les valeurs fondamentales de notre religion sont la tolérance, la justice, le respect de l'autre...

Que représente alors le niqab dans l’islam ?

Le niqab n'est pas une obligation dans notre religion. C'est plutôt une tradition culturelle de l'avant-islam que quelques communautés pratiquaient jadis. Il n'a donc pas une importance religieuse. Les Musulmans le savent bien.

Que Pensez-vous de l'interdiction des minarets en Suisse?

Les minarets sont des signes spirituels pacifiques, comme les tours et les clochers pour les Chrétiens. Pourquoi posent-elles tous ces débats en Europe? En Egypte, nous avons des églises avec leurs tours et leurs clochers et cela n'a jamais causé de problèmes. Pourquoi l'Europe, cultivée, démocrate et libre fait-elle tout ce bruit ? De quoi a-t-elle peur ?

La femme peut-elle consulter un gynécologue ou un médecin homme?

Les musulmanes ici, chez nous, le font et cela n’a jamais posé de problème. Je ne comprends pas pourquoi chez vous, cela en pose un. Quand il s’agit de sauver une vie, l’islam ne l’interdit jamais.

Et la mixité dans les piscines ?

La mixité est tolérée par l’Islam quand il y a une nécessite, comme c’est le cas par exemple dans le cadre du travail. Sinon, elle est interdite. En Europe, la musulmane doit accepter les règles du pays ou elle vit. Si elle veut aller à la piscine, elle n’a pas le droit d'interdire aux hommes d'y venir. Si leur présence la dérange, elle n’a qu’à pas s’y rendre.

Pourquoi une femme musulmane n’a-t-elle pas le droit d'épouser un non-musulman, même s'il est chrétien ou juif ?

Un homme musulman peut épouser une non-musulmane, juive ou chrétienne, car l’islam l’oblige à respecter ces deux religions. Moise et Jésus sont présents et très respectes dans le Coran. Mais comment admettre le mariage d'une femme musulmane avec un homme qui n'a pas foi en l’Islam, qui n’a aucun respect au Coran et au prophète Mohamed.

Que pensez-vous des appels récents, venus de l’Occident, à brûler le Coran ?

C'est plutôt moi qui vous pose cette question ! Que pensent les Français et les Occidentaux des appels de ce genre au 21me siècle? Nous, Musulmans, nous ne pouvons pas imaginer toucher la Bible. Ni par un acte, ni par la pensée ! Notre foi et notre culture nous l'interdisent.

Comment corriger l'image de l'Islam et sortir du défi du terrorisme et du radicalisme ?

Après la chute de l'URSS, les musulmans sont devenus les nouveaux ennemis. La guerre contre le rouge a laissé la place à la guerre contre le vert. On a fait la propagande en Occident d'une fausse image de l'islam, d'un islam violent et intolérant. Il y a eu ensuite le 11 septembre. Les musulmans sont devenus la cible des Etats Unis alors que c'est eux qui ont fabriqué Al-Qaïda. L'Occident est le premier responsable de cette image négative de l'islam. Il n'a jamais voulu entendre parler d'un islam modéré. Il est toujours en train de chercher des faits négatifs pour nourrir l'image qu'il souhaite donner de notre religion.
C'est aux Occidentaux de revenir vers nous. Nous, à Al Azhar, on s'efforce de diffuser un message universel et authentique de paix. C'est une mission compliquée car nous avons parmi les pays musulmans, des pays pauvres, écrasés par l'Occident, comme c'est le cas en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et en Palestine. Les musulmans là-bas se sentent oppressés, ce qui les pousse à se diriger vers ce que l'Occident appelle "l'extrémisme", or s'il s'agit simplement de résistance. 

Comment voyez-vous l'Islam et les Musulmans dans 50 ans?

Il faut travailler pour réaliser un monde musulman progressiste et modéré qui n'ignore pas ses qualités, ses valeurs. Les musulmans ne vivent pas sur une île lointaine. Et c'est à l'Occident de coopérer avec nous pour réaliser ce monde possible.

Article écrit pour le numéro 44 de la revue Le Courrier de l'Atlas (janvier 2011) (Photo Françoise Beauguion)

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2011/NUM044/#/80/

 

 

 

 

 

 

 

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14 septembre 2010

Égypte : les Bédouins acculés à la contrebande ?

Les Bédouins tirent-ils d'importants profits grâce aux tunnels qui relient l'Égypte à la Bande de Gaza ? Ont-ils d'autres moyens de contribuer au développement économique du Sinaï ? Pour répondre à ces questions, Marion Touboul, correspondante d'ARTE Journal en Égypte, s'est adressée à l'écrivain Massaad Abou Fagr. Originaire de Rafah, cet écrivain s'inspire de la vie des Bédouins pour ses romans. Il est aussi un farouche opposant au président égyptien Hosni Moubarak. Le régime égyptien actuellement au pouvoir est, selon lui, à l'origine des problèmes des Bédouins et notamment de leur recours à la contrebande. Une interview réalisée par Marion Touboul et Ahmed Hassan Sami pour ARTE Journal.

Rafah tunnels, bonus interview on Arte.tv
Uploaded by SolasFilms. - News videos from around the world.

http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/arte-journal/3423468.html





30 avril 2009

Comment les Egyptiens voient-ils Nicolas Sarkozy ?

Tawfiq_AclimandosTawfik Aclimandos, 50 ans, est politicien et historien. Cet Egyptien parfaitement francophone est chercheur au Centre de documentation économique juridique et sociale (CEDEJ). Il a eu son doctorat en 2004 à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il nous parle de la vision qu’ont les Egyptiens à l’égard du président français, premier chef d’Etat à venir en vacances en Egypte, pays connu pour être conservateur, avec "sa copine"…

Que pensez-vous de Nicolas Sarkozy ?
Jusqu'à janvier 2007, début de la campagne électorale, Je n'aurais jamais cru que Nicolas Sarkozy serait un jour président... Il n'avait pas l'allure présidentielle et il ne connaissait pas la province, surtout si on le compare aux autres présidents comme Charles De Gaulle ou François Mitterrand. Quant à son image en Egypte, elle ne peut qu'être moins bonne que celle de Jacques Chirac, qui est très apprécié ici. On soupçonne toujours ici Nicolas Sarkozy d'avoir des amitiés avec Israël de part ses origines juives. Les Egyptiens ont peur qu'il se rallie à Israël. Cela dit, deux ans après son arrivée au pouvoir, il n'y a pas eu la tempête qu'on redoutait. Il ne s'est pas tourné vers Israël comme on le pensait.

39170589Que pensez-vous de sa politique intérieur, notamment vis-à-vis de l'immigration ?
Les Egyptiens ne sont pas très intéressés par la politique intérieur en France. Ils ne savent pas grand-chose. Ce qui les intéresse, c'est la question de l'immigration. Les Egyptiens savent qu'il est difficile d'obtenir un visa pour la France. Il y a beaucoup de conditions à remplir. Selon eux, c’est Nicolas Sarkozy qui a rendu quasiment impossible l'émigration. Mais, sur ce point, je pense qu'il n'y est pour rien. La situation était la même avant son arrivée au pouvoir.

Que pensez-vous de sa politique au Proche-Orient ?
Concernant l'Iran, les Egyptiens sont divisés : Certains sont d'accord avec le discours de Sarkozy quand il dit que l'Iran joue à un jeu très dangereux en activant le communautarisme : chiites avec chiites, chrétiens entre chrétiens... L'autre partie des Egyptiens se disent qu'il y a un ennemi à abattre : Israël. Tous les moyens sont bons pour le vaincre et l'Iran peut être d'une grande aide. De mon côté, en tant qu’Egyptien, je suis opposé à une attaque étrangère contre l'Iran. Cela déstabiliserait l'équilibre des forces dans la région.

Quant au le Soudan, je suis pour la décision de la Cour Pénale Internationale de condamner Omar El-Bachir, qui est un vrai criminel de guerre. Je partage donc le point de vue de Nicolas Sarkozy. Mais l'Egyptien lambda n'est pas d'accord avec le président français. Pour une simple raison : Il refuse qu'un président puisse être jugé par des étrangers. Le gouvernement égyptien, lui aussi, s'oppose à cette condamnation, mais c'est juste par peur d’une division du Soudan.
Au sujet de la Syrie, je considère que Nicolas Sarkozy fait bien d'essayer de réintégrer la Syrie dans le jeu international, surtout dans le cadre du processus de paix entre Israël et les pays arabes.
A propos de la crise à Gaza de janvier dernier, j'ai beaucoup apprécié, comme tous les Egyptiens, la réaction de Nicolas Sarkozy. Il était le seul président à avoir fait des navettes entre la France, l'Egypte et Israël pour mettre fin à la guerre. Les Egyptiens s'attendaient à une réaction inverse, ou tout du moins, au silence de la France...

39170594Que pensez-vous du Projet de l'Union pour la Méditerranée?
La plupart des Egyptiens ne sont pas intéressés par ce projet ou n'y croient pas trop. Ceux qui le connaissent voient le projet de la France comme une tentative de remettre Israël sur la même table que les Arabes. Je pense pour ma part que c'est une
façon de se débarrasser du processus de Barcelone qui cherchait à appliquer les droits de l'homme et la démocratie dans la rive sud de la Méditerranée. D'autres Egyptiens pensent aussi qu'une telle initiative a de bons côtés. Elle pourrait notamment faciliter l'entrée des importations égyptiennes.

Article écrit pour le numéro 26 de la revue Le Courrier de l'Atlas (mai 2009)

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2009/NUM026/#/25/

2 avril 2009

Gamal el-Banna : "L’Islam, c’est la liberté d’abord"

 

Dans la famille El-Banna, on connait plutôt Hassan, fondateur du mouvement islamiste des Frères Musulmans dans l’Egypte des années 30. On connait moins bien son frère cadet, Gamal El-Banna et donc grand oncle de Tariq Ramadan, qui prône encore, a 89 ans, une vision progressiste de l’islam. Rencontre avec un homme infatigable, qui place la liberté au cœur de chacun de ses combats.

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Des livres, par milliers. Dans l'entrée, le salon, le bureau... ils tapissent les murs du petit appartement de Gamal el Bana. Nous sommes proche du quartier d'Abbasiya, jadis réservé à l'élite égyptienne. C'est ici que l'intellectuel, 89 ans, reçoit ses invités, journalistes et amis, de préférence le matin ou en soirée, après une longue sieste...

La rencontre débute par une rapide "visite" de son immense bibliothèque. Il tient à nous montrer ses perles : des livres vieux de plus de 100 ans ! Gamal el Bana passe encore aujourd'hui ses journées à dévorer de nouveaux ouvrages qui traitent de l'islam. La lecture, une passion qui a permis d'épancher la soif de connaissance d'un petit garçon à la santé fragile et à l'enfance teintée d'ennui. Une jeunesse en tout point différente de celle vécue par son frère aîné, Hassan el Bana. Dans son bureau, Gamal el Bana n'a d'ailleurs aucune photo le montrant aux côtés de sa famille : "on n'a jamais eu l'occasion de poser ensemble".

 

De cette enfance solitaire, il garde le goût pour le silence. Une vieille théière, une grosse paire de lunettes-loupes ainsi qu'une bougie lui tiennent compagnie, quand, pendant des heures, il se confond aux pages de son livre. Jamais bien loin, ses deux fidèles assistants, veillent discrètement sur lui. Ils lui apportent une confiserie, prennent soin des rangés de livres et fixent les rendez-vous du patron qui refuse toujours l'idée du téléphone portable...

 

C'est là un des rares aspects de la modernité que le vieil homme aux allures de sage, a préféré laisser de côté. Car son esprit est, dans l'ensemble, bien plus ouvert et plus novateur que la société égyptienne actuelle. Ainsi défend-il les jeunes qui se marient en secret pour pouvoir assouvir leur désir sexuel : "Comment peut-on leur demander d'avoir un travail, de l'argent et un appartement avant de se marier officiellement ?". En colère contre son pays et son régime, cet amoureux de le liberté, reste cependant un grand optimiste.

Comment vous définissez-vous aujourd'hui dans le champ de la pensée musulmane dans le monde?

Nous vivons une époque marquée par les inégalités sociales, le chômage. Il y a, d'un côté, le footballeur ou la danseuse du ventre qui gagnent des millions, et de l'autre, ceux qui n'ont assez d'argent pour manger. A cela s'ajoute l'oppression dont sont victimes les musulmans dans beaucoup de pays arabes. En Egypte, cela dure depuis 50 ans. Dans une telle époque, on peut trouver tout type de personnes, qui vous tiendront tout type de discours, cela va du musulman réformiste au traditionnel. Et cela n'aide pas quand il s'agit de repenser l'islam.

 

 

 

Que recouvre pour vous le mot "réforme" de l'islam? Est-ce qu'il s'agit de réformer l'islam ou de réformer nos interprétations de l'islam? images2

Je n'aime pas le terme "réforme" de l'islam. Je préfère parler de "renouveau de l'islam". Il doit être global, couvrir tous les domaines (politiques, sociaux, droits de la femme...). Il faut repenser nos interprétations du Coran, des hadiths, de la jurisprudence (fiqh). Pour effectuer ce renouveau, nous devons tirer profit de la culture contemporaine et de notre expérience accumulée au fils des ans. A aucun moment, il ne s'agit de remettre en question le Coran.

 

 

 

Quelle est votre méthode pour aboutir à ce "renouveau"?

Pour y aboutir, il faut beaucoup de temps, beaucoup de travail, de recherche. C'est le travail d'une vie. Pour chaque sujet qu'il me semble nécessaire de repenser, j'ai écrit trois ou quatre livres. L'important, pour aboutir à ce renouveau, est de se baser sur la source, qui est le Coran. Car beaucoup de problèmes actuels dans l'islam viennent de la sunna. Elle a été affectée par le fait qu'elle ait été écrite l'année 150 de l'hégir : 90% de la sunna sont des hadiths qui n'appartiennent pas au prophète Mohammed. Ces hadiths étaient parfois ajoutés par des ennemis de l'islam, ou bien de religieux qui poussaient les gens à appliquer l'islam en leur faisant miroiter le paradis ou redouter l'enfer selon leurs actes.

Que faut-il faire pour lire le Coran autrement?

Je ne pense pas qu'il soit bien d'exiger une seule interprétation du Coran. Chacun comprend le texte coranique selon son éducation. Le Coran même contient différentes règles à appliquer pour un même cas. Le Coran s'adresse à tous les peuple. C'est impossible d'imaginer toute l'humanité marcher sur une même ligne droite. C'est pour cela que l'on trouve, dans le Coran, des "substituts". Chacun a le droit de croire en une ayat. Le croyant aura toujours raison. Le texte coranique est "pluriel" : Les versets du Coran ne se contredisent pas, ils sont complémentaires. Il ne faut pas que quiconque exige son interprétation aux autres. Le Coran est comme une symphonie que vous pouvez jouer vous même...Est ce que vous avez besoin d'un interprête pour l'écouter ?

 

 

 

Dans quels domaines pensez-vous qu'il est urgent de réformer la pensée musulmane? (les droits de l'homme, droits de la femme, justice?)

Le renouveau de l'islam doit toucher tous les domaines, il n'y a pas de priorités. Quand nous comprendrons enfin que l'homme est le véritable but dans l'islam, nous aurons davantage la liberté. Et c'est ce qui permettra des réformes politiques et sociales et réalisera l'égalité des femmes et des hommes. Par exemple, il est impossible de demander le respect des droits de la femme dans une société qui ne croit pas en la liberté individuelle. Dans mon livre intitulé "Notre demande prioritaire est la liberté", j'ai expliqué que pour demander d'appliquer la Charia il faut d'abord que nous soyons libres de présenter cette demande sans rien risquer. Je vous rappelle que l'ex-union sovietique s'est effondré en raison de l'absence de liberté, c'est un élément essentiel pour connaître les points faibles d'un régime et éviter son échec.

 

Que pensez-vous du travail de gens comme Nasr Hamid Abou Zayd, Abdulkarim Soroush ou Rachid Benzine?

Ces personnes ne font que critiquer l'islam mais ils ne proposent rien.J'ai rencontré Nasr Hamid Abou Zayd en Allemagne et j'ai été très choqué : c'est un académicien qui, derrière son discours, est très traditionnel. Le problème des réformistes actuels, c'est qu'ils ne vont pas assez en profondeur. Ce sont souvent des gens qui ont un travail à côté, et ne consacrent qu'une partie de leur temps à cet immense chantier quand moi, depuis 1946, je ne fais que cela... Seul Gamal El Afghani était un vrai réformiste. Mais parce qu'il était en Egypte occupé à lutter à la fois contre la colonisation et à la fois contre les tyrans locaux, il n'a jamais pu mettre sur pied une véritable proposition de réforme.

 

 

 

 

Pensez-vous que votre pensée peut-être bien reçue aujourd'hui, à un moment où les musulmans sont fragilisés et se sentent en dehors de la marche de l'histoire?

J'ai conscience que mes idées n'auront pas un impact immédiat sur la société. Car elle n'est pas prête. Il va falloir attendre quelques années. C'est très difficile de changer les traditions et les coutumes, notamment quand elles sont liées à la religion. Les gens commencent tout juste à croire en ma manière de penser. Certains ont également peur de s'affirmer en tant que partisans d'un renouveau de l'islam car ces idées, très nouvelles et choquantes dans l'Egypte actuelle, peuvent leur causer des problèmes.

Que pensez-vous de prédicateurs tels que Amr Khaled, qui remportent un grand succès grâce à leur show télévisé ?

Les propos de prédicateurs comme Amr khaled n'ont aucune valeur. Au contraire, leur manière de faire, à la télévision, est nocive pour les musulmans...Amr Khaled, c'est le moins pire, mais tout ces gens ne font que redire ce qui a été dit il y a très longtemps mais sous des allures modernes. Et la question ne réside dans pas la prédication, mais bien dans la question de fond, qui est : comment renouveler l'islam ? Et pour cela, ils ne peuvent rien faire.

 

 

Quels sont les points sur lesquels vous avez proposé les choses les plus "révolutionnaires"? (le port du voile par exemple?

pour moi, c'est la LIBERTE. Le Coran est clair sur cela.

 

 

 

Tariq Ramadan vient de publier un ouvrage qui s'appelle la réforme radicale de l'islam: que pensez-vous de ses travaux?

Je suis, en gros, d'accord avec ces propos. C'est quelqu'un d'honnête qui n'a pas deux visages, comme ses détracteurs le disent. Même s'il s'adresse aux cheikhs d'Al Azhar et aux Occidentaux différemment, son discours de fond est le même pour tous. Il donne une image de l'islam très positive, basée sur la cohabitation avec la société occidentale. Il se démarque totalement de son frère Hani, qui est membre des frères musulmans et est beaucoup moins "réformateur" de Tariq...Son seul inconvenient est qu'il n'est pas capable de baser ce qu'il dit sur des ayats ou des hadiths. Il n'est pas un cheikh qui maîtrise bien l'arabe.

 

 

 

imagesCAZFEDJGEt vos relations avec Tariq Ramadan?

Tariq est quelqu'un de très solitaire. Même sa mère le voit rarement. Quand je vais à Genève, c'est toujours le dernier de la famille que je vois, et pour quelques minutes seulement. J'ai peur que son succès le fasse devenir un peu orgueilleux à l'avenir, surtout en raison de son jeune âge. On a beaucoup de mal à discuter ensemble, on s'entend en général pas très bien. Par contre, avec son frère, qui est membre des Frères Musulmans, le courant passe mieux, je peux discuter avec lui même de sujets qui vont à l'encontre de ce qu'il pense.

 

 

Les musulmans de France se sentent aujourd'hui forcés au grand écart entre les exigeances de leur religion et les lois du pays où ils vivent. Que leur conseillez-vous ?

Sans hésitation, je réponds qu'ils doivent suivre les lois du pays où ils sont. Par exemple, ce serait idiot que les gens pensent que le voile est le fondement de leur croyance. C'est seulement l'habit de l'islam. L'important est d'être un bon citoyen, là où je me trouve.

 

 

 

Enfin, y a t-il pour vous des limites à ne pas franchir dans la réforme de l'islam? (par exemple le statut du texte coranique ne doit pas être discuté?)

Les limites sont Dieu et le texte coranique.

 

 

 

Etes vous optimiste pour ce qui concerne ce renouveau de l'islam ?

Je suis optimiste. Mais il n'aura lieu que dans 50 ou 100 ans. Le manguier prend 7 ans pour donner des fruits alors qu'une production de tomates ne demande que quelques mois... Tout dépend de ce que l'on recherche...

 

 

 

Pouvez-vous nous raconter votre enfance dans la maison du fondateur des Frères Musulmans?

Mon enfance etait celle d'un cadet. En Egypte, c'est toujours l'aîné qui est gâté...Or, c'était Hassan. Mon frère a vecu une enfance heureuse à la campagne sous le soleil et le bon air, moi, j'ai vécu dans les ruelles du Caire, j'étais très faible physiquement. Je n'ai jamais l'eu l'occasion de jouer quand j'étais petit. Je n'ai même pas eu la chance de conduire une bicylette... Ma passion était la lecture. Je ne voyais pas beaucoup mon père et Hassan, ils consacraient leur journée à leurs projets de recherche, de livres... Du coup, je connais mal Hassan, j'ai même écrit dans un de mes livres que n'importe qui des Frères Musulmans connaissait mieux mon frère que moi...

 

 

 

Quelle est votre opinion sur les frères musulmans? Pourquoi vous êtes vous eloignez d'eux?

Je n'ai jamais été un de leurs membres. Je m'occupais à l'époque simplement de leur imprimerie car j'aimais les livres. Les Frères Musulmans ont affronté beaucoup de tempêtes depuis 1948. L'un de leur plus gros conflit était celui avec Nasser. L'ancien président égyptien les a mis en detention et torturés. Cela a poussé des jeunes du mouvement à qualifier le gouvernement de "kouffars" (infidele). Et la vague de violence a commencé. L'un d'entre eux, Saïd Kotb a appellé au djihad et les jeunes du mouvement l'ont suivi. Ils se sont séparés des Frères musulmans et ont formé leurs propres mouvements comme "Al takfir wal higra" ou "la jama'a islamia". Deux mouvements extrémistes. Parallèlement, beaucoup d'Egyptiens ont quitté l'Egypte en 1973 pour travailler en Arabie saoudite. Quand ils sont revenus, il y a eu, en Egypte, l'apparition de la pensée wahabite qui a été intégrée à celle des Frères Musulmans. Du coup, les pensées de Hassan el bana ne faisaient plus parties des pensées dominantes du mouvement.

 

 

Comment voyez-vous la situation en Egypte s'ils accèdent au pouvoir?

Ce sera très difficile aux Frères Musulmans d'accéder au pouvoir. Il suffit qu'ils soient réunis à quelques uns dans un endroit, même à un mariage, pour que la police les arrête ! Ils n'auront d'autre part jamais 60% des sièges au parlement égyptien. S'ils arrivent à monter jusqu'à 30 ou 40%, ils vont faire un gouvernement de coalition, ce qui serait très mauvais car, ce sont en général des gouvernements de frères ennemis, qui ne sont pas viables.Un autre obstacle est aussi l'influence de la communauté internationale. Les Etats-Unis ne laisseront jamais les Frères Musulmans prendre la tête de l'Egypte. Et même, malgré tout ces obstacles, si le mouvement parvenait à prendres les rennes du pays, ce serait un échec pour eux car ils n'ont pas assez d'expérience. Ils ne comprennent pas l'époque contemporain.

 

 

 

Comment voyez-vous la structure des Frères Musulmans aujourd'hui et dans quelle mesure est-elle differente de celle d'avant ?

La question à se poser est : Ont-il bien fait de se lancer dans la politique ? Pour moi, les Frères Musulmans étaient un mouvement d'education, qui ne voulait pas accéder au pouvoir. S'ils voulaient le pouvoir, ils n'avaient qu'à former un parti politique en 1946. Jusqu'à 48, ils étaient au maximum de leur gloire mais ils ne l'ont pas fait... Je crois que même jusqu'à présent, ils ne veulent pas le pouvoir. Si Moubarak décide demain d'appliquer la charia, ils seront à son côté...Je pense qu'ils se sont lancés dans la politique en se disant qu'ils sortiraient un peu de l'oppression qu'ils affrontent. Mais le gouvernement actuel est le pire qu'a connu l'Egypte. Les Frères musulmans peuvent toujours faire bloc. Cela ne sert à rien car le gouvernement est dirigé par une majorité de gens proches du président.

 

 

Pourquoi les Frères Musulmans, qui sont sunnites, s'approchent actuellement des chiites d'Iran? et quelle est leur relation avec les Frères Musulmans d'Iran?

Ce rapprochement part de l'idée que "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". En plus, ils sont des musulmans comme nous. Ne croyez jamais Qaradawi quand il dit qu'il a peur que les chiites contrôlent les sunnites, car nous sommes tous des musulmans. Quant à la relation avec les Frères Musulmans d'Iran, c'est la plus faible parmi les autres ailes du mouvement dans les autres pays. Cela s'explique par l'oppression des chiites d'Iran sur les sunnites.

 

 

 

Quelles sont les relations entre Hamas et les Frères Musulmans?

Les Frères Musulmans entretiennent des liens très anciens avec le Hamas, qui tient à avoir de bonnes relations avec le mouvement en Egypte. Les Frères musulmans seraient prêts à rompre ses relations avec le Hamas si cela nuirait à la cause palestienne.

 

 

 

 

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2009/NUM025/#/84/

Les prises de position de Gamal El Banna

 

Celui qui considère que l’islam progressiste n’est pas seulement possible, mais nécessaire, a surpris plus d’une fois par ses propos provocateurs. Il a ainsi déclaré qu’il ne devait pas être interdit de fumer pendant le ramadan puisque le tabac n’était pas encore connu à l’époque du prophète ! Il se prononce aussi pour une séparation totale des pouvoirs politique et religieux. Ses paroles les plus fortes restent celles concernant les femmes : il considère que le voile n’est pas une obligation légale, et que la femme peut se marier sans témoins. Enfin, on retient de lui ce commentaire, en 1994, à la sortie d’un procès qui avait approuvé l’assassinat d’un écrivain égyptien accuse d’athéisme : "Ce jugement est un châtiment pour nous plus que pour la personne contre laquelle il a été prononcé. Cela montre qu’il n’y a pas de fois profonde, véritable, sacrée de la liberté".

 

Article écrit pour le numéro 25 de la revue Le Courrier de l'Atlas (avril 2009) (Grand merci à Marion Touboul)

 

http://www.lecourrierdelatlas.com/emag/2009/NUM025/#/84/

 

11 novembre 2007

Les journalistes se choisissent de nouveaux représentants

Ragay_El_MirghanySamedi 17 novembre, les journalistes égyptiens seront invités à élire le nouveau conseil exécutif de leur syndicat et son président. Rencontre avec Ragay El Mirghany, vice rédacteur en chef de la Middle East News Agency (MENA) et candidat à la présidence du syndicat.

Dans le contexte actuel d’offensives répétées contre les journalistes, croyez-vous que le pouvoir laissera un candidat indépendant comme vous remporter les élections ?
Malgré les pressions qui seront peut-être relayées par les rédactions des médias progouvernementaux, le régime ne pourra pas forcer les journalistes à choisir leurs représentants. A la fin, ces élections seront transparentes et les journalistes voteront selon leurs convictions.

Vous travaillez pour l’agence de presse officielle. Comment pouvez-vous vous présenter comme un candidat indépendant ?
Je travaille pour une agence qui ne fait que transmettre l’information, je ne la fais pas. Quand je veux exprimer mes opinions, je peux passer par les médias indépendants, ou de l’opposition. Il n’y a donc pas conflit d’intérêt, selon moi.

Quelles doivent être les priorités du nouveau syndicat des journalistes ?
D’abord, le respect de la liberté d’expression. C’est un droit fondamental et donc non négociable. J’appelle d’ailleurs à la suppression de toutes les lois qui permettent encore d’emprisonner les journalistes pour leurs prises de positions. Mais la liberté d’expression passe aussi par une amélioration de salaires, pour s’assurer de l’indépendance financière des journalistes. Aujourd’hui, l’état prélève 15% des revenus publicitaires des journaux. Je propose de réduire ce taux à 10% et de consacrer les 5% restants à une caisse de soutien aux journalistes.

Ce sont des propositions très politiques…
Il ne faut pas négliger le poids politique du syndicat des journalistes, même si je demanderai aux membres de laisser de côté leurs propres orientations, une fois au sein du syndicat. Car l’important reste la cohérence du syndicat. Si l’on veut redéfinir la relation entre le pouvoir et la presse, et si les journalistes veulent atteindre leurs objectifs, ils se doivent d’être unis.

La cohérence du syndicat est-elle la condition nécessaire pour assurer votre rôle de quatrième pouvoir ?
Je ne crois pas vraiment en cette conception. La presse égyptienne, quatrième pouvoir, c’est une invention de Sadate pour amadouer les journalistes pendant que lui négociait les accords de
Camp David. Je préfère en rester au concept constitutionnel, qui fait de la presse une sorte de pouvoir de contrôle populaire. Les journalistes doivent pouvoir être des observateurs critiques.

Article publié sur le site http://magalif.info/articles/2007/11/11/les-journalistes-se-/

25 septembre 2004

Selon un expert en économie: Les reformes économiques égyptiennes renforcent les investissements étrangers

"Les réformes économiques récemment adoptées par le gouvernement égyptien étaient caractérisées d'une vision claire à l'égard de ce qui est nécessaire pour améliorer la performance économique et surmonter les obstacles ayant affectés les investissements au cours des quelques dernières années", a dit Mark Johnson, expert en économie à l'EuroMoney. 

Johnson a affirmé que les démarches "audacieuses" et "accélérées" prises par le gouvernement en ce qui concerne la réforme renforçant la position de l'Egypte en tant que force motrice du développement et de la réforme dans la région arabe. "L'Egypte dispose des meilleures opportunités dans beaucoup de domaines économiques", a-t-il ajouté.

Selon Johnson, la conférence de l'EuroMoney, tenue mi-septembre au Caire, était une bonne occasion pour que les grandes entreprises mondiales s'informent de près du programme de réforme appliquée par le gouvernement.

"Les scénarios et les plans alternatifs proposés par le gouvernement, formé depuis deux mois seulement, pour accélérer le développement économique reflètent son intention de suivre une méthode bien claire pour atteindre ces objectifs", a-t-il souligné. "En même temps, le gouvernement reconnait la difficulté de la tâche qui lui incombe".

Et Johnson de prévoir que ceci encouragera le gouvernement égyptien à remplir ses promesses concernant les reformes et soumettre ce qui a été réalisé lors de la prochaine conférence de l'EuroMoney prévue en septembre prochain.

Quant aux impacts de la situation actuelle dans la région sur les économies de ses pays, Johnson a estimé qu'il était difficile de séparer  le développement économique et la situation politique. "Pour rétablir la stabilité dans la région, les reformes doivent être prises dans l'intérêt de la majorité et non pas la minorité". "Tous les pays de la régions affrontent les mêmes crises et problèmes", a-t-il conclu.

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