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8 juin 2011

Tangi Salaün : Avant le 25 janvier, je me demandais par quel miracle les Egyptiens n’avaient pas encore explosé

Tangi Salaün est un journaliste français. Il est le correspondant des revues Le Figaro et l'Express et la radio française RTL

Comment voyez-vous la Révolution Egyptienne? Quelles sont vos remarques?

D’abord c’est une révolution que je ne pensais plus voir arriver, après avoir couvert des dizaines de manifestations qui ne rassemblaient jamais plus de quelques centaines de personnes…. Cela faisait pourtant des années que je constatais dans mes reportages la dégradation des conditions de vie pour une majorité de la population (hausse des prix, chômage des jeunes, dégradation du système de santé, de l’éducation, multiplication des quartiers informels (ashwayets) victimes de coupures d’eau et d’électricité, accidents à répétition dans les transports, pollution, etc…), la montée des frustrations face à un système politique verrouillé, la colère face aux abus policiers, à la corruption, aux inégalités.. Bref, je me demandais par quel " miracle" les Egyptiens n’avaient pas encore explosé… Lorsque le 25 janvier est arrivé, j’ai pourtant été surpris par la détermination des manifestants, malgré la violence de la répression, puis par leur capacité à rester mobilisés sur Tahrir et ailleurs, à conserver leur sens de l’humour même dans les moments les plus dramatiques, à se libérer de la peur en disant tout haut ce qu’ils pensaient depuis des années sans oser l’exprimer, à poursuivre un but commun sans différence de religion, de sexe, d’âge, de classe sociale... J’ai enfin été impressionné par cette fierté retrouvée à la fin de la révolution, ce sentiment de libération que l’on pouvait ressentir partout.9782021039382

Quelles sont les moments les plus importants qui vous ont inspires sur la place Tahrir ?

L’arrivée des chars et les premières scènes de "fraternisation" le 29, qui ont montré que l’intervention de l’armée n’était pas la fin mais le début de quelque chose, les conférences que donnaient des personnalités comme Alaa el-Aswany la nuit pour soutenir les manifestants qui dormaient sur place, la violence de la "bataille des chameaux ", la première millioneya où l’on a vu arriver plein de gens qui venaient pour la première fois sur la place et compris que la majorité de l’opinion publique avait basculé du côté de la révolution, les scènes d’espoir, de déception puis de joie entre le dernier discours de Moubarak le 10 février et le lendemain de son départ le 12 février.

Vous vivez en Egypte depuis plus de 10 ans...quelle est la différence entre l'Egypte d'avant le 25 janvier et l'Egypte d'après la Révolution?

Elle est surtout, pour le moment, dans le discours et l’attitude des gens, qui n’ont plus peur de dire ce qu’ils pensent, de revendiquer leurs droits. Mais pour le reste il va falloir du temps et il est difficile de tirer des conclusions tant que le pays ne s’est pas doté de ses nouvelles institutions (parlement, gouvernement, président, constitution).

Comment voyez-vous la vie culturelle en Egypte après la Révolution?

Il me semble qu’à court terme c’est elle qui peut le plus bénéficier de la libération des esprits et de la créativité. On le voit déjà avec la musique, les graffitis sur les murs, le cinéma, les radios libres, les expositions autour de la révolution... Dans ce domaine aussi, la révolution donne aux jeunes qui en étaient écartés (ou marginalisés) l’opportunité de se faire une place sur le devant de la scène.

Vous venez de publier "L’Egypte de Tahrir ". D'ou vient l'idée de votre œuvre? Depuis quand vous travaillez sur ce livre?

Le projet de faire un livre de journalistes (c'est-à-dire destiné à un grand public) est ancien, car il n’en existait pratiquement pas en français sur l’Egypte contemporaine. Il s’est précisé lorsque Hosni Moubarak a été hospitalisé en Allemagne en mars 2010 et qu’il a semblé probable qu’il ne resterait plus très longtemps au pouvoir. L’idée, c’était de faire une "radiographie " de la société égyptienne pour expliquer aux Français quelle Egypte Moubarak allait laisser à son successeur, quels sont ses problèmes, ses atouts, ses grands défis, etc. Tout cela à travers des reportages, des rencontres, des témoignages des Egyptiens eux-mêmes… On avait commencé à rédiger le livre à l’automne 2010. Evidemment, la révolution a tout bousculé.

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