La France va-t-elle changé son attitude à l'égard du Sahara marocain en raison du gaz naturel algérien?
La tournée actuelle du président français, Nicolas Sarkozy, en Afrique du Nord, au cours de laquelle il s'est rendu en Algérie et en Tunisie, constitue un affront pour le Maroc. Les anciens président français avaient en effet l'habitude de commencerleurs tournées en Afrique du Nord par la visite du Rabat en signe de confirmation des relations "spéciales" entre le Maroc et la France. Sarkozy a choisi de commencer sa tournée en se rendant en Algérie, malgré les relations tendues entre les deux cotes, alors que le Maroc aurait du être la 3me et dernière étape de cette tournée. Mais Rabat a subitement annoncé la semaine dernière l'annulation de la visite de Sarkozy sous prétexte de l'ordre du jour chargé du monarque marocain, le Roi Mohammed VI. Selon les observateurs, l'annulation par Rabat de la visite de Sarkozy était un signe du mécontentement du Maroc à l'égard de Sarkozy qui a débuté sa tournée visant à consolider les relations de la France avec les pays de l'Afrique du Nord, une région d'une grande importance pour la sécurité de l'Europe dans le domaine de l'énergie, en visitant l'Algérie, le concurrent régional de Rabat et le pays dont le poids devient de plus en plus important dans le domaine de l'énergie, notamment le gaz naturel. Les analystes font remarquer que l'ordre des étapes de la tournée n'était pas une option protocolaire, mais elle reflète une modification fondamentale des alliances de la France dans la région, compte tenue des résultats des pourparlers entre Sarkozy et son homologue Abdelaziz Bouteflika, qui étaient centrés sur le dossier du gaz, comme un prélude pour conclure un accord stratégique pendant l'automne prochain. Et les observateurs de noter qu'après le refus de la France de présenter ses excuses a l'Algérie pour l'époque coloniale, cet accord serait lié au dossier du Sahara marocain. Dans ce contexte, Qader Abdel Rahim, expert dans les affaires du Maghreb arabe a l'Institut des relations internationales et stratégiques à Paris, estime que, du point de vue les intérêts français, Sarkozy juge que l'Algérie est plus importante à moyen terme. "Les pourparlers économiques de Sarkozy en Algérie n'auront pas un grand succès, à moins qu'il ne démontre sa volonté de changer la politique française a l'égard du dossier du Sahara marocain", ajoute-t-il. L'ex-Premier ministre algérien, Redha Malek, partage cette idée et dit que la réussite de la visite de Sarkozy en Algérie dépendra de son son attitude a l'égard du dossier du Sahara marocain. Pour les observateurs, Sarkozy est arrivé au Maghreb arabe afin de conclure un accord "historique" entre la compagnie algérienne de pétrole et d'eénergie "Sonatrach" et la compagnie "Gaz de France". Cet accord, qui pourrait être signé en novembre prochain, vise à assurer l'approvisionnement du gaz naturel en France a long terme. Cette analyse est renforcée par les déclarations faites mardi à radio "France Inter" par la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, sur l'avenir du développement de "Gaz de France", appartenant à l'Etat, et le processus de la fusion de la compagnie dans le groupe français prive d'énergie "Suez". Dans ces déclarations Mme Lagarde a dit que le Gouvernement n'a pas encore pris de décisions sur la fusion des deux parties, notant que toutes les options restent ouvertes. Pour sa part, dans des déclarations aux quotidiens algériens "al-Watan" et "al-Akhbar", Sarkozy a exprimé l'espoir de voir un rapprochement entre "Gaz de France" et "Total"d'une part et "Sonatrach" de l'autre. Sarkozy a ajouté que la France avait besoin d'assurer l'approvisionnement en gaz dans l'avenir, soulignant que le rapprochement entre ces compagnies permettrait a l'Algérie, en même temps, d'entrer librement sur le marché français et par conséquent en Europe. De même, le porte-parole de l'Elysee, David Matignon, a declaré que le dossier économique était au coeur des entretiens Sarkozy-Bouteflika. Bien que le président algérien ait insisté sur une excuse pour les crimes commis par la France a l'égard des Algériens à l'époque coloniale pour que les deux pays puissent signer "le traité d'amitié", en suspens depuis la visite de l'ex-president francais Jacques Chirac en mars 2003 à Alger, Sarkozy, lui aussi, a insisté sur le refus de présenter de telles excuses. Par contre, Sarkozy a dit qu'il n'est pas responsable des erreurs du passé, alors que des analystes estiment que Sarkozy s'est implicitement excusé par cette visite elle-même qui coïncide avec les célébrations de l'anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. D'autre part, il semble que le président algérien ait renoncé à l'exigence de ses excuses après avoir obtenu de son homologue français des informations concernant la modification des priorités de Paris en Afrique du Nord. Selon ces informations, l'Algérie pourrait occuper la place de "partenaire privilégié" de la France dans la région. Dans ce contexte, les observateurs notent le discours prononcé le 5 juillet par Bouteflika à l'occasion de la fête de l'indépendance. Dans son discours, le président algérien a dénoncée le colonialisme, cependant, il n'a pas demandé d'excuses du colonisateur. Pour sa part, Nicolas Sarkozy a décidé de fermer le dossier du "traité d'amitié" qui est lie au nom de son prédecesseur. Il a proposé une nouvelle vision des relations entre Paris et Alger "basée sur des réalisations et des projets concrets, au lieu des textes et des traités", comme il a déclaré à l'issue de ses entretiens avec Bouteflika. Selon les analystes, tant que Paris refuse de donner des concessions en matière de l'histoire, elle le ferait inévitablement en matière de géographie, c'est-a-dire son attitude a l'égard du dossier du Sahara marocain. La France, sous la direction de Chirac, a apporté un appui "calme" mais ferme" à la proposition du Maroc d'accorder l'autonomie au Sahara marocain, dont la population s'élève à 260 mille personnes, sous la souveraineté marocaine. Ce soutien francais a irrité le Front de libération de la Saguia el-Hamra et Oro "Polisario", qui vise à déclarer l'indépendance du Sahara marocain du Rabat et soutenu par l'Algérie. Le secrétaire général du Polisario, Mohamed Abdelaziz, a critiqué la France en avril dernier pour ce qu'il a appelé "l'attitude soutenant le Maroc" dans le conflit du Sahara marocain. Il a dit que "la France abandonne la justice internationale et fournit un soutien illimité a l'aventure coloniale marocaine dans le Sahara". Toutefois, après l'élection de Sarkozy en mai dernier, le Secrétaire général du Polisario a exprimé l'espoir de voir la France afficher "une plus grande neutralité" dans la question du Sahara marocain sous le règne de Sarkozy. "J'espère que Paris adoptera un esprit constructif dans son attitude au contraire de l'ère de Chirac", a-t-il ajouté. Il est évident que Rabat avait ressenti le changement dans les tendances de Paris, ce qui a suscité le mécontentement du Maroc. Selon les observateur un tel changement aura des répercussions inévitables sur l'attitude de la France au sujet du Sahara marocain. Si "La France s'engage à la "neutralité", les Marocains seront seuls devant l'Organisation des Nations Unies, dont le nouveau secrétaire général Ban Ki-Moon, adopte plutôt la vision d'Alger et du Polisario. Après que les Etats-Unis étaient plus proches de l'attitude de l'Algérie dans ce conflit, alors que la France était plus proche de la vision marocaine, il est probable que Washington et Paris adopteraient des politiques similaires à l'égard du conflit sur le Sahara marocain, ce qui affaiblirait la position internationale de Rabat. Et les observateurs de dire Sarkozy veut changer la méthode de la politique de la France en Afrique. "Il voit que cette politique, à l'ère de Chirac, était basée sur des relations personnelles", indiquent-ils. Selon les observateurs, ce changement, notamment dans la politique de la France a l'égard de Afrique du Nord, est une réflexion de l'évaluation approfondie de la phase précédente où l'influence française dans la région a reculé en faveur des Etats-Unis, de l'Asie, et même de la Russie, Notamment en Algérie, la plus importante puissance économique en Afrique du Nord, où les Américains occupent la première place en matière d'investissements étrangers, en particulier dans le secteur énergétique, bien que la France reste toujours le premier partenaire commercial d'Alger. Malgré tous ces indices, le président français essaie toujours de maintenir des relations étroites avec le Maroc. Il a dit qu'il n'avait pas de désaccords avec Rabat. "Le roi cherifien Mohammed VI veut que la visite du président français soit une "visite d'Etat" et pas seulement une étape dans une tournée", dit-il.