Les Islamistes vont-ils affecter la vie culturelle en Egypte s’ils accèdent au pouvoir ?
Les résultats de la première phase des législatives en Egypte post-révolution avec la montée du courant islamiste a suscité l’inquiétude du milieu culturel. La question urgente que posent actuellement les intellectuels égyptiens est que sera l'avenir de la culture et de l'art si les islamistes dominent la vie politique dans le pays ?
Pour l'acteur Amr Waked, qui joue notamment le rôle d’un malfrat dans le film "Dam el-Ghazal" (le sang de la gazelle), la montée de l'islamisme n'est pas une surprise, il est un résultat naturel du système électoral déformée et non-constitutionnel. "De nombreux obstacles ont été dressés devant les partis fondés par les révolutionnaires, comme l’obligation d’avoir 5000 membres. Comment peuvent-ils le faire dans une période de dix mois seulement ? Une telle condition a ouvert la porte à des personnes indésirables pour adhérer à ces partis", dit-il.
Selon Amr, l’élargissement des circonscriptions n’avait pour seul but que de freiner les forces révolutionnaires en faveur des partis islamistes et ceux existant avant la révolution. "Pourquoi le système électoral a attribué deux tiers des sièges du parlement aux listes des partis et un-tiers aux candidats individuels, sans empêcher les partis de poser les candidatures de leurs membres sur les listes individuelles ?", martèle-t-il.
L'acteur, qui a participe au film le plus violant du cinéma égyptien "Ibrahim al-Abyad", note que la majorité des électeurs a voté sur une base émotionnelle pour les mouvements islamiques, et non pas pour les programmes de ces mouvements. "Il ne faut pas oublier qu’il y a une sorte d’analphabétisme politique. Nous étions privés de la pratique démocratique et nous essayons maintenant de la découvrir", précise-t-il.
Amr Waked est convaincu que les islamistes ne vont pas interférer, pour le moment, dans la vie culturelle égyptienne. "Ils ont des dossiers beaucoup plus importants à régler comme l'économie, la justice sociale et le développement avant qu'ils ne commencent à chercher de contrôler les sous-questions", explique-t-il. "Avoir la majorité dans le parlement est le test le plus difficile pour eux. S’ils n’arrivent pas à gérer les problèmes du pays, ces élections seront le début de leur fin".
Pour sa part, la cinéaste et documentariste Tahani Rached est inquiète vis-à-vis du débat actuel sur l'impact de l'arrivée des islamistes sur la vie culturelle et artistique en Egypte. "Je pensais qu’on devait examiner les moyens de développer la vie culturelle égyptienne après la destruction qu’elle a subit au cours des 30 dernières années. C’est honteux qu’aujourd’hui nous parlons toujours de l’art en disant qu'il est halal ou péché. L’art n’a aucun lien avec la religion". La plus grande crainte de Tahani c’est que les Salafistes imposent une stricte censure sur l’action culturelle. "Cela sera un revers sur les objectifs de la révolution qui a eu lieu pour libérer les esprits des Egyptiens", ajoute-t-elle.
Pour Tahani, c’est la liberté qui a aidé les Islamistes à avoir la majorité dans le parlement. "Pour cela, ils n’ont aucun droit de promulguer des lois oppressives…et s’ils le font je serai la première à leur résister".
De son coté, le chercheur Tawfik Aclimandos, spécialiste dans les affaires des mouvements islamistes juge que la montée des Frères musulmans n'est pas étonnant. Pour lui, la vraie surprise c’est le score des Salafistes.
Selon Aclemendos, la situation actuelle en Egypte est ambigüe. "Il est très difficile de parler des raisons qui ont conduit à la montée des mouvements islamistes ou de leur poids réel dans le rue égyptienne. L’Egypte n’a jamais connu ce taux élevé de participation aux élections. En plus, la première phase des élections a inclu les gouvernorats d’Assiout et d’Alexandrie, bastions du salafisme, ce qui a aidé les salafistes à grimper".
Pour Aclemendos, il faut attendre les résultats des deux prochaines phases pour que les chercheurs puissent les analyser.
Mais Aclemendos est sûr que les islamistes, qui luttent contre la laïcité et la démocratie, vont appliquer une censure stricte sur la vie culturelle. "Au mieux, ils vont garder les mécanismes appliqués à l’époque de Moubarak, et ils peuvent aussi les durcir", conclut-il.