Damien Cordier-Féron est un chercheur français, co-auteur du livre "Bizerte Otage de l'Histoire...De la 2ème Guerre Mondiale aux Indépendances du Maghreb".
Comment voyez-vous les révolutions arabes en général et la révolution égyptienne en particulier?
Je crois que les Egyptiens, les Tunisiens et les Libyens peuvent être fiers de ce qu'ils ont accompli et l'on ne peut que ce réjouir de ce vent de liberté. Aujourd'hui toutes les cartes sont sur la table, mais les défis sont immenses. On ne peut qu'espérer que les différentes parties jouent le jeux et que ces pays puissent de nouveau aller de l'avant le plus rapidement et pacifiquement possible.
Mes pensées vont à ceux qui ont payé et qui payent encore de leur vie ce combat dans tout le monde arabe.
Vous avez vecu trois ans en Egypte. Comment voyez-vous la vie culturelle égyptienne avant et après le 25 janvier 2011?
A mon sens, et depuis longtemps, le milieu culturel égyptien a joué un rôle très important dans le combat pour la liberté, puis dans la révolution égyptienne. La place Tahrir où ont eu lieu tant de scènes de violence a également été le lieu d'un grand foisonnement intellectuelle et artistique qui fait honneur aux Egyptiens. Une plus grande liberté d'expression ne peut que bénéficier à la révolution.
Pourquoi parler de la crise de Bizerte?
Pour Sébastien Abis et moi-même, la rencontre avec la crise de Bizerte s'est fait, il y a plus de 10 ans, presque par hasard alors que nous étions de jeunes chercheurs en histoire. C'est un sujet très complexe qui relève de problématiques à la fois politiques, diplomatiques, stratégiques, militaires et géographiques. Il est d'autant plus passionnant qu'il est quasi inconnu en France. En Tunisie ces évènements sont naturellement encore très douloureux et sujet à un débat passionné. Enfin, si ces évènements sont très liés à la guerre d'Algérie, ils démentent le mythe d'une décolonisation pacifique de la Tunisie.
Pourquoi publier ce livre maintenant? vous vouliez investir la révolution tunisienne?
Certainement pas. Nous avons commencé à travailler sur le livre bien avant la révolution. Notre objectif était de le publier pour le cinquantenaire de la bataille en juillet 2011.
Mes recherches avaient porté sur l'histoire de la base militaire française de Bizerte en tant que telle. Alors que Sébastien Abis avait déjà publié un livre sur l'histoire diplomatique et politique de la Crise.
Notre démarche a donc été de mettre en commun nos travaux. C'est vraiment l'originalité de l'ouvrage. C'est la première fois que l'histoire de la base et de ce que la France et l'OTAN y ont construit est publié. Et ce alors que finalement la base est indissociable de ces évènements dramatiques. c'est fondamental pour comprendre la crise.
Par rapport à la révolution tunisienne, notre propos a été de rappeler que l'indépendance de la Tunisie n'est pas intervenue en 1956, mais bien en 1963 lorsque la France a définitivement évacué Bizerte. Sans doute en 2011, la Tunisie a-t-elle aussi tourné une nouvelle page de son histoire.
Est-ce que c'est un effort de votre part pour s'excuser à la place de la France?
Non pas du tout. Nous ne désignons pas responsable. C'est au lecteur de se faire une opinion. Par ce livre, nous avons voulu dépassionner la question de Bizerte et tenter d'expliquer la crise dans toute sa complexité. C'est pour cela que l'ouvrage démarre en 1943. Nos travaux ont été réalisés dans une démarche universitaire d'historiens et je l'espère sans parti-pris. Nous ne nous désignons pas de responsable, seulement des responsabilités de part et d'autres.
Nous exposons des faits et tentons d'expliquer comment et pourquoi la France et la Tunisie en sont venus à s'affronter au cours d'une bataille brève mais extrêmement sanglante.