L’Afrique flotte sur une mer de pétrole et de gaz
Le monde du pétrole ne manque pas d'évolutions rapides. Il y a quelques années, on ne cessait pas de parler de la mer Caspienne, qui contient d'importantes réserves de pétrole, en tant que remplaçant de la zone du Golfe arabe, riche des champs du pétrole.
Toutefois, les milieux pétroliers mondiaux ont commencé dernièrement à faire référence à l'Afrique et ses réserves en pétrole qui dépassent de loin celles de la mer Caspienne. Le développement technologique et géologique et le progrès de forage en mer à une profondeur de plus de 400 mètres sous la surface de l'eau ont révélé de nombreuses surprises.
Les chiffres indiquent que l'Afrique contient 12% des réserves mondiales de pétrole, tout en contribuant à environ 11% de la production mondiale de l'or noir, ce qui permet au continent d'occuper une place privilégiée dans le monde du pétrole.
Selon les experts, la production de pétrole en Afrique a augmenté de 43% au cours des dix dernières années. Cette production va augmenter de 50% encore au cours de la prochaine décennie après la découverte du brut dans des nouvelles zones du continent, outre les producteurs traditionnels comme l'Egypte, l'Algérie, la Libye, le Gabon et le Nigeria.
A la fin de l’année dernière, les experts ont estimé les réserves de pétrole en Afrique à près de 72 milliards de, en tenant compte des découvertes de pétrole au Tchad et en Angola. Ils espèrent qu’avec le développement technologique, le pétrole sera prospecté dans d’autres régions, notamment au Niger et au Mali.
Par ailleurs, les experts en matière d'offshore s’attendent à réaliser de nouvelles découvertes dans le golfe de Guinée, en Côte d'Ivoire et en Namibie. Ils jugent que les réserves de pétrole offshore en Afrique sont supérieures à celles de la mer du Nord. En plus, le continent se caractérise par l'absence des obstacles géographiques au contraire de la région de la mer Caspienne qui est difficile d'accès.
L'Afrique a de larges côtes, outre l'existence du Golfe de Guinée face aux États-Unis et le Brésil, ce qui aiderait le continent à l'exportation de milliards de barils de pétrole brut.
Les responsables du secteur à l’occident étaient conscients de ces statistiques et réalités. Ils ont commencé à redécouvrir les richesses de l'Afrique : ils envisagent d'investir entre 40 et 60 milliards de dollars en vingt ans dans la région du golfe de Guinée seule.
Ces responsables ont débuté par l'Angola, où les réserves sont estimées a 10 milliards de barils, bien qu’il n’y ait que six grandes découvertes pétrolières. Les experts jugent que la production de pétrole en Angola pourrait passer de 1 million de barils par jour en 2000 à 2 millions de b/j en 2005, c’est-à-dire l’équivalent de la production actuelle du Nigeria, le plus grand producteur de pétrole dans le continent.
Quant à l'Algérie, l'un des anciens producteurs de pétrole en Afrique, c’est un pays encore prometteur. Depuis 1986, lorsque le gouvernement a autorisé les sociétés pétrolières étrangères à reprendre leur travail dans le pays, une percée dans la découverte et la production a été réalisée. Selon les experts, la production de pétrole en Algérie peut hausser de 65% au cours des quelques prochaines années grâce aux nouvelles technologies.
Pour le Nigeria, les réserves s’élèvent actuellement à 17 milliards de barils, avec une production de 2 millions de b/j. Le pays risque de perdre sa position comme premier producteur de pétrole en Afrique si la situation demeure constante et l’accès aux champs pétroliers libyens devient facile. .La Libye possède des 30 milliards de barils de pétrole, soit près du double des réserves du Nigeria..En même temps, le Congo, l’Egypte, le Gabon, le Tchad et le Soudan n’ont pas encore montré toutes leurs capacités.
En plus du pétrole, les experts estiment que les pays qui n'ont pas du pétrole, auront des champs du gaz naturel, et les géologues misent sur la présence des champs importants en Tanzanie et au Mozambique, outre les recherches menées dans ce domaine au Ghana et au Sénégal.
L'Afrique ne dispose actuellement que 7% des réserves mondiales de gaz, tandis que sa production ne couvre que 4% de la demande mondiale de.
L’économiste Pierre Terzian dit que l’Afrique perd chaque année 15 milliards de francs français parce qu’elle ne se sert pas du gaz sortant des puits du pétrole. Il souligne la nécessité pour le continent noir à doubler ses exportations de gaz au cours des dix prochaines années.
Dans ce contexte, l'Algérie et la Libye ont modernisé leurs usines de liquéfaction de gaz pour l'exporter versl’Europe, tandis que le Nigéria a mis en place une usine de liquéfaction de gaz à Bonny (sud-est) en collaboration avec ses partenaires elf, Agip et Shell. L'usine sera mise en fonction début de l'an 2000 et va exporter 8 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Turquie. Par ce projet, le Nigeria sera le 3eme plus grand exportateur du gaz naturel en Afrique.
D’autres pays ont accordé la priorité au marché intérieur en ce qui concerne le gaz naturel. L’Egypte, qui a de grandes réserves, a remplacé le pétrole, dont elle produit de faibles quantités, par le gaz pour générer de l'électricité. De son côté, la Tunisie pense sérieusement à compter sur les centrales électriques qui fonctionnent par le gaz pour produire ses besoins d'énergie dans l'avenir.
La situation politique dans les principaux pays producteurs de pétrole en Afrique constitue le grand défi devant le développement du secteur pétrolier dans le continent. L'Algérie, jusqu'à tout récent, vivait dans un état de guerre et la situation dans le pays n’est pas encore stable. Pour l'Angola, le pays n'est pas à l'abri de la crise dans la région des Grands Lacs. Au Nigeria, outre la corruption, le régime affronte les exigences des habitants des zones de production pétrolière qui veulent toucher une part équitable de la richesse.
Les observateurs jugent nécessaire que les régimes politiques de ces pays règlent ces problèmes, sinon les peuples africains continueront à vivre en misère alors que leur continent flotte sur l’or noir.
Article écrit pour l'édition hebdomadaire du journal économique égyptien "al-Alam al-Youm" (Le Monde aujourd'hui) publiée le 28 juin 1999